La cohésion sociale en question(s)

Valérie Fournier

Nous tissons chaque jour des liens invisibles

Présidente du Groupe Habitat en Région, Valérie Fournier exerce par ailleurs le mandat de présidente de la Fédération nationale des ESH et a participé, à ce titre, aux négociations avec le gouvernement concernant la loi Elan.

Pourquoi Habitat en Région a-t-il l’ambition d’être non seulement un acteur, mais aussi un concepteur de cohésion sociale ?

V.F. Notre société a discrédité nos solidarités classiques, familiale, syndicale et politique sur lesquelles notre système était fondé. Dans nos quartiers, la solitude grandit, les liens s’effritent, l’isolement s’infiltre. Qui peut apporter ce ressort au vivre ensemble, si ce n’est le bailleur social ? Une cage d’escalier HLM est une photographie de notre paysage social. L’ensemble de nos fractures et de nos fragilités y sont exprimées. Le projet est de générer du lien, de tenter de nous substituer aux solidarités traditionnelles quand elles font défaut.

Y a-t-il eu des avancées depuis le lancement en 2017 de votre plan stratégique « Grandir Ensemble » qui a pour ambition de mettre « l’habitant au cœur de tout » ?

V.F. Notre credo « l’habitant au cœur de tout » a irrigué nombre de projets au sein des entreprises, enracinant ainsi notre culture commune. Je m’en réjouis ! Et les collaborateurs s’en sont emparés très naturellement : qui en accompagnant les locataires vers une réinsertion professionnelle, qui en accueillant un(e) stagiaire de troisième, enfant de nos locataires, qui en impliquant de futurs locataires à la conception de leur résidence. Nous revendiquons d’être un bailleur pour qui la cohésion sociale n’est pas accessoire. Nous tissons tous les jours ces fils invisibles qui évitent les fractures, désamorcent les conflits, rassurent les plus fragiles, apaisent les tensions. Notre bilan social est positif, et maintenant nous nous devons de l’objectiver.

Quels changements allez-vous opérer en réponse à la loi Elan ?

V.F. La loi Elan va impacter nos entreprises qui vont perdre 50 % de leur capacité d’autofinancement. Le risque que les actions sociales soient les premières impactées est là. Il y a, certes, une tension financière sur le secteur, nous devons faire des arbitrages intelligents pour que nos actions de cohésion sociale n’en subissent pas les impacts et qu’elles demeurent notre priorité.

 

Par ailleurs, notre organisation évoluera dans le courant de l’année 2019 vers une société de coordination nationale (SAC). Cette nouvelle structure ne modifiera pas l’ADN d’Habitat en Région. Plus que tout, je tiens à conserver ce modèle original que nous avons bâti ensemble ces dix dernières années et qui laisse à chaque entreprise l’expertise et la responsabilité de son territoire. Chacune sera l’interlocutrice unique de ses clients habitants et des collectivités locales de son territoire, tandis que le Groupe interviendra pour structurer la mutualisation des activités dans un souci d’économie et d’efficacité.

Quels sont les enjeux de cette nouvelle organisation ?

V.F. Il nous faudra trouver le point d’équilibre entre cette autonomie et les remontées d’informations vers le Groupe selon les exigences de l’État. La SAC portera la CUS (convention d’utilité sociale) du Groupe, rendra compte de l’action de ses membres et de l’accomplissement des missions prévues par la loi.

 

Le Groupe favorise les échanges d’expériences et les confrontations entre ses filiales de manière à stimuler l’expertise, l’innovation et l’action. L’objectif est d’identifier et mutualiser un certain nombre de compétences au service du collectif. Des chantiers sont déjà engagés qui ont mobilisé les services financiers et RH des entreprises pour amorcer une remontée des données. Cette nouvelle feuille de route met un coup d’accélérateur à la construction du Groupe tout en renforçant la dimension territoriale et mutualiste de son organisation. Elle oblige chacun de ses membres à la confiance mutuelle pour partager les objectifs et l’avenir de leur mission.

Valérie Fournier - Nous tissons chaque jour des liens invisibles