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Fais Swal Ali est gestionnaire d’immeubles chez Erilia à Marseille. Il a grandi à la cité de la Viste où il travaille depuis 3 ans. Il a réalisé un mémoire intitulé « Comment développer le vivre ensemble ? ». .
Dans quel cadre avez-vous écrit votre mémoire « Comment développer le vivre ensemble » ?
F.S.A. Le métier de gestionnaire d’immeubles est en pleine mutation. Auparavant, notre travail consistait essentiellement à percevoir les loyers, signaler les dysfonctionnements. Aujourd’hui, les gestionnaires doivent développer des compétences commerciales, techniques et sociales. J’ai bénéficié d’une formation pour accomplir ces nouvelles missions. J’ai ensuite rédigé mon mémoire sur le thème de la cohésion sociale à travers un événement que j’avais organisé à la Viste.
Il y avait un conflit intergénérationnel entre les personnes âgées qui habitent la Viste depuis longtemps et des familles récemment installées. Aucun espace n’était dédié aux jeux de ballon. Les jeunes se retrouvaient à jouer au football au milieu des immeubles et cela générait beaucoup de tensions entre les habitants. J’ai sollicité le directeur d’agence et la décision a été prise de créer un stade de football. Pour son inauguration, nous avons préparé un grand tournoi où les voisins ont pu se rencontrer autour d’un goûter offert par Erilia. Cette inauguration a été une magnifique réussite : nous ne nous attendions pas à une si grande participation des familles. La fête a duré plus longtemps que prévu, personne ne voulant se séparer. Cela a créé un engouement : les voisins ont commencé à parler de repas partagés. Cet événement a prouvé que l’on n’a pas besoin de beaucoup pour réaliser de grandes choses : nous avons résolu un conflit de voisinage avec un tournoi de football et un verre de jus d’orange !
Vous occupez un rôle central dans la cité. -Quelles sont, selon vous, les clés pour améliorer le vivre ensemble ?
F.S.A. Ici, nous avons régulièrement des réunions avec les acteurs du pôle social pour créer des synergies entre les habitants et de l’attractivité dans le quartier. Nous souhaitons développer une plate-forme de compétences : le bricoleur peut mettre son savoir-faire à disposition en échange d’autres compétences… Avec l’association « Et les pères », nous avons développé des ateliers de discussion, car il nous semble que les hommes sont moins engagés dans l’éducation et le quotidien de leurs enfants. Nous proposons tous les vendredis soir une rencontre qui nous permet de faire passer des messages sur la figure paternelle. Grâce à ces ateliers, nous nous sommes rendu compte que les pères sont plus présents qu’on aurait pu l’imaginer. Les us et coutumes des différentes cultures et ethnies rendent plus ou moins visible l’implication paternelle, pourtant, dans la plupart des familles, elle est bien concrète. Grâce à ce genre de manifestations, nous apprenons davantage sur nos voisins.
Notre cité a également été choisie pour accueillir le travail d’une artiste sur la notion de République. Elle avait le projet de réaliser une grande robe à partir de vêtements recyclés bleus, blancs et rouges. Beaucoup d’habitants de tous les âges se sont mobilisés : les mamans ont aidé à confectionner la robe à partir des T-shirts de leurs enfants. Les jeunes ont participé à des ateliers d’écriture sur les valeurs de la République. Cela a suscité beaucoup de questionnements et de discussions. La robe a été exposée au cœur de la cité où les jeunes enfants ont donné un spectacle.
Pourquoi vous engagez-vous autant à titre personnel ?
F.S.A. Je suis originaire de cette cité. Comme j’en suis également le gestionnaire, je vis comme un devoir d’apporter ma contribution pour changer les choses. Mon rôle va au-delà de ma fiche de poste, mais j’ai conscience que ma position me confère un rôle très important socialement. Je connais ce territoire mieux que quiconque, c’est un atout pour débloquer les situations, les expliquer aux locataires.
Il y a beaucoup de précarité ici, un grand nombre de personnes âgées, de gens qui ne savent ni lire ni écrire. J’essaye de leur apporter mon soutien : rester discuter un peu avec la vieille dame qui ne reçoit plus de visite ; aider à remplir les documents administratifs ; changer une ampoule… Il y a beaucoup de conflits qui sont ainsi désamorcés et donc moins d’agression envers les agents.
En tant que gestionnaire, ma mission est d’essayer de composer avec chacun pour ne pas créer de frustrations au sein des communautés. Elle est aussi de faire comprendre aux habitants que, malgré les difficultés, nous poursuivons tous un même but : élever nos enfants dans les meilleures conditions possible. Le quartier est notre bien commun, un ciment pour avancer ensemble et le rôle du bailleur est de nous en persuader.